[Rencontre avec…] Yves Jamait

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Ce mercredi 8 Mai 2013 au matin, nous avons rendez-vous avec Yves Jamait à son hôtel de Montauban (82) dans le cadre du Festival Alors… CHANTE ! Récit de cette rencontre.

– Comment te raconterais-tu et raconterais tu ton parcours à quelqu’un qui te découvrirait ?

D’abord ce n’est pas un exerce facile, et on me le demande souvent. C’est pas mon boulot ça, c’est celui des critiques. En fait je parle de ma vie dans mes chansons, je prends des choses de la vie pour le mettre dans mes chansons. Mais si je dois décrire mon parcours, je dirais que j’ai vécu et travaillé de façon toute à fait normale jusqu’à 40 ans, et depuis 12 ans j’estime que je ne travaille pas. Même si c’est stressant, j’estime que ce n’est pas du travail : je sais ce que c’est que de se lever à 7 heures tous les matins pour gratter une misère et de devoir bosser avec des petits chefs au dessus de moi. Donc j’ai l’impression d’être en récréation depuis une douzaine d’années.

– Du coup, tes chansons, elles abordent quels thèmes ?

La vie… J’essaye de canaliser les émotions pour qu’elles aient un minimum d’universalité, parce que je  me soucie que ce soit écouté et compris. J’ai conscience que je fais de la chanson, pas de l’art. J’ai un auditoire, autrement je le fais tout seul chez moi comme je faisais avant. Donc j’essaye de communiquer des choses, avec des thèmes qui touchent les gens. Je vais titiller là où je pense que ca peut faire du dégât, du bruit, du mouvement, en tous cas pas laisser indifférent…

– On retrouve beaucoup de thématiques sociales…

Oui parce que c’est la vie, c’est important, mais j’essaie de trouver un équilibre entre le propos et l’émotion de la chanson. Je suis d’accord avec cette phrase de Trenet « une chanson est réussie quand le peintre la chante ». Je veux que mes chansons touchent les gens et qu’ils puissent y trouver du plaisir. Je ne vise pas les intellectuels, l’élite, ça ne m’intéresse pas. Je suis un artisan…

– Au niveau des albums, musicalement on entend une nette évolution depuis « De verres en vers ». Beaucoup de propositions, de renouvellement… Qu’est-ce qui t’a amené là ?

Des rencontres… C’est aussi bête que ça. Comme Bernard Joyet qui a écrit « Gare au train »… Avant « de Verres en vers », j’avais jamais vu un studio de ma vie. Au début j’ai fait de l’acoustique parce que c’était pratique et que je jouais comme ça avant, mais j’ai rencontré des gens qui m’ont fait des propositions. C’est une série d’accidents, je ne projette pas, je ne fais pas de concept, je fais comme les choses viennent…

– Des rencontres comme celle avec Allain Leprest… ?

Oui, je joue ses textes ce soir, mais j’ai un parcours varié, qui vient de la chanson française. Maxime le Forestier aussi… Mais je peux chanter du Mike Brant ! Mais Leprest, c’était un honneur d’être son ami, un plaisir. J’ai commencé à l’écouter après l’avoir connu, et là ça m’emmène ailleurs, ça me touche, ça me cause, on ne joue pas dans la même cour. Ca se met en bouche comme un pinard du meilleur millésime… C’est accessible tout en étant de la poésie « rimbaldienne »… Mais il y en a eu d’autres : Moustaki, Béranger, Guidoni, Castelhemis, Tachan, des trucs que mes potes de Dijon ne connaissaient pas. Je leur faisais des cassettes ! C’était des trucs d’une qualité exceptionnelle et je vois pas pourquoi je m’interdirais ces plaisirs là à cause de la mode…

– Tu as dit une fois en interview qu’il y avait plein de petits Renaud : est ce toujours le cas aujourd’hui ?

Je revendique Renaud même si on m’assimile au titi parisien à cause de ma caquette qui vient d’Irlande, pas du tout de Paris^^ Mais tu te retrouves affublé d’une étiquette… Moi il parait que je suis ‘’néo-réaliste’’. On m’a même comparé aux Têtes raides à cause de l’accordéon. Tu te retrouves dans une case, même si tu luttes…

– Ton parcours prouve qu’on peut exister sans les grands médias ?

Oui, bien sur, il y a des réseaux, des circuits, mais c’est dur. On peut se passer des médias, mais lorsque les subventions sont coupées, les salles annulent… Mais l’histoire des médias, c’est pas forcément par choix. Je n’ai rien contre la chanson populaire, mais les médias se concentrent sur un petit nombre de chanteurs, et même des gars comme Thiéfaine sont quasiment invisibles dans les médias.

Si tu devais écrire maintenant une chanson ‘’contestataire’’, quels sujets pourrais tu aborder ?

En fait tout mon prochain album est politique. Notamment une chanson, « Ridicule », sur les vieux bonshommes poudrés qui viennent vous expliquer devant les caméra qu’il faut faire des coupes budgétaires et travailler plus pour avoir droit à la retraite. Et ils jouent leur comédie devant les journalistes, ils vivent et se reproduisent entre eux… D’ailleurs je n’ai même plus la télé, j’écoute France Culture et j’achète Philosophie Magazine… Le reste, les infos, la guerre à la télé, c’est du spectacle, ca m’horripile.

– Pour finir, quelques questions en rafale :

Avec quel artiste disparu aurais-tu aimé partager une scène et laquelle ?

Oh, il y en a plusieurs, Montant, Trenet…

Même question que précédemment mais avec un artiste vivant ?

Je me suis déjà fais plaisir avec Guidoni… Maxime le Forestier, ca me ferait très plaisir. Mais j’ai peur des déceptions, j’ai parfois été déçu par des chanteurs que j’admirais. Et j’ai rencontré des chanteurs de droite qui étaient très corrects. Donc j’évite les fantasmes.

Quel est selon toi le côté le moins funky de ton métier ?

L’attente. On attend partout, tout le temps. Et la bouffe. J’ai été cuisinier et on me fait bouffer des carottes en plastique !

Une chanson qui a marqué ton enfance ? Elle te fait penser à quoi ?

Hier je chantais du Topaloff à Cali, des trucs de la télé… Ou Annie Cordie, Pierre Perret, des choses avec de la joie.

Une chanson pour voyager ? Pour aller où d’ailleurs ?

« Non je n’oublierai jamais la baie de Rio… » (La Rua Madureira, Nino Ferrer) Un truc sur un avion qui s’écrase. En fait je suis un sédentaire contrarié, ça m’est très difficile de voyager et aujourd’hui je dois faire une valise tous les quatre jours… J’avais pas envisagé la vie comme ça. J’ai horreur des avions, des douanes, qu’on me fouille, j’ai l’impression d’être au Vel d’hiv quand je suis dans un aéroport.

Une chanson pour séduire les dames, c’est plus consensuel…

« Vous les femmes… ! » (J. Iglesias) Y’a des chanteurs de charme qui marchent bien, ça plait… Ou une à moi, « Les mains de femme »

-Il y a « Caresse moi » aussi !

C’est vrai, mais avec « Caresse moi » je voulais écrire un truc inattendu avec ma voix… Un homme demandeur de caresses.

Une chanson pour ton enterrement ?

Euh… « La grosse bite à dudulle »… ??! Non, je réflechis pas à des trucs comme ça ! Je serai plus là, ce sera des chansons pour ceux qui restent. Peut être « Avec le temps », qui est pour moi la plus belle chanson du monde et que du coup je n’ose pas chanter en entier sur scène…

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Propos recueillis par Cathy et Gwen

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2 réflexions sur “[Rencontre avec…] Yves Jamait

  1. Pingback: [France en Scène] By Cathy #29 – Yves Jamait | L'Actuzik

  2. Eh bien, Guidoni, Casthélémis , Tachan (que j’ai vu en concert à Dijon), je ne savais même pas qu’on avais autant de chanteurs communs dans notre jeunesse!!! Sans compter Maxime…Et Yves Jamait fait désormais partie intégrale de cette discothèque. Vivement le 5ème album!
    C. Freitag

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